Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Recherche

Articles RÉCents

Liens

28 mai 2014 3 28 /05 /mai /2014 23:56
Iterou Ogowè* est responsable de l'éducation historique à Afrocentricity International
Ballon-de-foot.jpg
     
A l'heure où des chaînes de télévision gèrent nos "temps de cerveaux disponibles" et où les autoproclamés "dirigeants de l'humanité", prétendent gérer nos corps, comme nos esprits, il importe de faire une mise au point sur la relation corps/esprit dans un cadre afrocentrique. Vous aurez compris que dans le cas d'espèce, le choix du football comme sujet de polémique, n'est qu'un prétexte pour aborder le sujet de notre réorientation culturelle. Mais ce n'est pas n'importe quel prétexte, tant l'industrie de ce sport, concentre à elle toute seule, tous les excès d'une culture de masse occidentale suprématiste.
Hier soir, j'ai fait comme beaucoup de gens. J'ai regardé à la télé le match de foot France-Norvège. Victoire par quatre but à zéro pour la France. J'ai passé un bon moment. C'était du beau football. Cela faisait longtemps que je n'avais pas regardé un match de l'équipe de France. Depuis 2010, l'année du scandale en pleine coupe du monde, j'avais du mal à regarder à nouveau cette équipe évoluer sur un terrain via le petit écran.  Vous vous souvenez, même les politiciens les mieux intentionnés à l'endroit de la "diversité", avaient traité les joueurs grévistes de l'équipe de France, de "racailles". Dans un pays où la grève est quasiment un sport national, avouons que cela faisait un peu désordre. Le temps ayant fait son oeuvre et croyant avoir hier soir, "un temps de cerveau disponible", je me suis offert une bonne séance de visionnage footballistique.
cerveau-disponible.jpg
Mais, ce matin, c'est différent, j'ai comme qui dirait, la gueule de bois après une nuit d'ivresse. Je n'ai pas bu d'alcool, mais je me suis laissé aller à une sorte de facilité. Vous connaissez vous aussi, cette sorte d'indulgence, de défaite de l'esprit qu'on assimile très souvent au fait de "prendre du bon temps." Cette indulgence de l'esprit est en fait, une véritable Vacance de l'Esprit. Qu'est-ce que je veux dire par là ?
1. Le football est devenu depuis plusieurs décennies une vraie pompe à fric. Pour les besoins de l'organisation de la coupe du monde au Brésil qui se tiendra dans quelques semaines, des populations pauvres ont été éjectées manu militari des lieux où elles vivaient pour permettre aux touristes de pouvoir "passer du bon temps" durant la compétition. Le but, au delà de tout cela, c'est aussi d'engranger de l'argent, beaucoup d'argent. A propos d'argent, j'avais suivi il y a à peu près huit mois, une excellente émission sur une radio publique française, je crois que c'était France Inter, où un invité, spécialiste de l'économie du football, disait que généralement, ces grandes messes sportives ne rapportent pas un sous aux Etats organisateurs. La FIFA (Fédération Internationale de Football) fait toujours miroiter aux pays qui accueillent les participants, des bénéfices substanciels, alors qu'en réalité la construction des infrastrutures, ainsi que les diverses dépenses nécessitées pour l'organisation de l'événement, s'avèrent être un véritable gouffre financier que les recettes des ventes de billets et de l'économie locale touristique qui se greffe sur l'événement, ne parviennent pas à combler. C'est bon à savoir.
2. Si on essaie de voir les choses d'un point de vue strictement culturel, on peut constater que le football, jeu et sport magnifique que j'ai moi-même pratiqué il y a très longtemps, s'inscrit dans une matrice culturelle donnée, la matrice occidentale. On pourra objecter que le brassage de populations que l'on trouve dans le milieu du foot, fait que ce sport est un "véritable vecteur d'intégration". Qu'on  veuille bien m'excuser, si je me permets une question un peu brutale : intégration, peut-être, mais intégration à quoi précisément ?
RUNOKO-RASHIDI.jpg
            RUNOKO RASHIDI
Je m'explique : Je viens de terminer en l'espace de quelques jours, la lecture du livre du professeur Runoko Rashidi : "Black Star. African Presence in Early Europe, Books of Africa, 2011." Ce livre est fantastique ! De quoi s'agit-il ? De la présence africaine en Europe, depuis les populations "pré-historiques" de Grimaldi, à la reine Charlotte d'Angleterre, en passant par les Maures d'Espagne.
STATUE DE SAINT MAURICE MAGDEBOURG ALLEMAGNE
STATUE DU SAINT MAURICE DES CATHOLIQUES  (MAGDEBOURG ALLEMAGNE)
Ce livre nous apprend, que nous Africaines et Africains, avons toujours été présents sur ce sol d'Europe et cela depuis le début, depuis la migration des premiers homo-sapiens africains sur le sol européen (de - 40 000 ans à - 20 000 ans, il y aurait eu selon Cheikh Anta Diop, un processus de différenciation raciale du noir vers le blanc, du fait de la glaciation würmienne. L'homme de Grimaldi, un Homo Sapiens Sapiens africain aurait peuplé l'Europe, puis se serait progressivement dénigrifié pour donner le premier spécimen de leucoderme : l'homme de Croc-magnon ; source Civilisation ou Barbarie, Présence Africaine, 1981, page 81).
QUEEN-CHARLOTTE-ENGLAND.jpg
CHARLOTTE (1744- 1818) REINE D'ANGLETERRE ET D'IRLANDE 
Avant que l'Europe n'adopte un système des castes injuste
"Tu es toujours dans les livres," pourraient me dire certains frères et  certaines soeurs ; "reviens un peu à la réalité !" Mais la réalité, c'est aussi et surtout le professeur Rashidi lui-même, un être de chair et de sang, qui sera en France à Achères Ville,  (78) ce 1er juin, dans le cadre de la Journée Histoire et Renaissance (de 11H à 18H).
http://www.editionsdagan.com/index.php?pg=actualite&md=5&atl=423
J'aurai l'occasion de le voir et sans doute aussi de lui poser des questions. Il n'y a rien de virtuel là-dedans. Le professeur Rashidi nous apprend dans son livre où abondent les sources historiques, sans que cela soit pour autant ennuyeux (l'historien comme à son habitude, a fait le plein d'iconographies de toutes sortes), que les Africaines et Africains en Europe furent adorés comme des saints (Saint Maurice le Maure, Suisse - Allemagne). Ils furent papes (comme Gélasius), empereurs à Rome, musiciens et compositeurs (comme Joseph Boulogne dit Saint George) et parfois aussi, esclaves, serviteurs, soldats... reine d'Angleterre (comme la reine Charlotte).
Et aujourd'hui, qu'est-ce que l'on propose à nos enfants à l'école de Jules Ferry ? Une intégration par le sport. Pour les garçons, quelle serait la meilleur carrière ? Devenir Thuram. En plus c'est génial, Thuram écrit des livres maintenant. Thuram, dans les médias français, est présenté comme le seul historien noir : exit Omotunde, Cheikh Anta Diop, Obenga, John Henrik Clarke. Ainsi, le seul historien noir que nous ayons, est d'abord passé par la case football. Je ne dis pas que les livres de Thuram ne sont pas intéressants. D'ailleurs, je pense plutôt qu'ils le sont, mais il pratique parfois une autocensure, pour le moins suspect sur certains sujets, mais ce n'est pas le propos de ce petit article, on pourra y revenir ultérieurement, le cas échéant.
Qu'est-ce que l'on propose aux jeunes filles kamits ? Vous allez me dire que je fais dans la caricature, mais en fait, je me base sur les images subliminales qui nous sont distillées quotidiennement par la publicité, par l'industrie musicale  : on propose à nos filles de devenir... Rihanna ! Je n'en dirai pas plus. 
Il y a dans la société actuelle, une vulgarité qui m'insupporte. Le football  et l'industrie du sport en général sont à la société française et aussi à la société des Etats Africains modernes, ce que le cirque de Moscou était à l'ancienne Union Soviétique, c'est à dire des dérivatifs destinés à faire oublier aux masses (et aux élites intermédiaires) les vrais problèmes de société. On se souvient aussi que les jeux olympiques de Berlin en 1933, servirent de vitrine au régime nazi d'Adolf Hitler, malgré la victoire éclatante au 100 mètre du kamit Jessie Owens, qui froissa quelque peu l'orgueil racial des théoriciens de l'inégalité des races.
Comme le dirait le grand historien africain américain, Chancellor Williams, aujourd'hui nous Africaines et Africains, sommes à la croisée des chemins. Il nous faut choisir entre deux options. Vivre ou périr.
Vivre, c'est choisir Ouaset plutôt que Rome. C'est à dire le savoir et la vie, plutôt qu'une culture de la mort et du voyeurisme, parce que Rome est symbolisée pour moi, par les combats de gladiateurs, les jeux du cirque. C'était déjà du "divertissement" à l'époque de Néron. Aujourd'hui pour se divertir, on regarde le film "Massacre à tronçoneuse" ! 
Il nous faut choisir entre la vie et la mort. Ouaset, c'était le centre du  savoir de l'Afrique antique. Ouaset pour moi, est un symbole. Dans mon livre "L'Harmonie Kamite", je parle de notre renaissance spirituelle et morale. Il nous faut renaître en tant que peuple et en tant que personnes. 
Le candomblé plutôt que le carnaval
CANDOMBLE.jpg
                      CEREMONIE DU CANDOMBLE
Près de ma télévision, j'ai un autel, avec l'image du dieu créateur Amon, que les Galoas appellent Anyambyè, que les Dogons appellent Amma et que les Banyarwanda appelent Imana. Il y a aussi les divinités tutélaires sur cet autel : Asèt, Wasiré et Hérou. Il y a les images représentants les grands promoteurs de la renaissance africaine : Nkrumah, Du Bois, Lumumba, Garvey. Il y a aussi l'image d'un de mes grands pères.
Il nous faut choisir aujourd'hui entre Ouaset, que les Grecs appelaient Thèbes, le centre antique du savoir et Rome, la capitale des jeux du cirque, des combats de gladiateurs contre des fauves, la capitale des orgies. Il nous faut choisir, aujourd'hui entre Salvador de Bahia et Rio. Il nous faut choisir entre le Candomblé de Bahia l'africaine et le Carnaval de Rio où tout est permis. Actuellement, les grandes délégations de Afrocentricity International se réunissent au Brésil pour une convention. Je sais que les soeurs et les frères iront se ressourcer à Salvador de Bahia, la grande ville africaine du Brésil où notre tradition est préservée à travers le Candomblé.
C'est l'heure des choix. Il nous faut choisir entre les jeux du cirque et le carnaval pour le plaisir d'autrui ou notre renaissance en tant que peuple indépendant et solidaire.
L'esprit et le corps 
SENOUSERT.jpg
                        FETE DU SED. LE PHARAON SENUSERT ET LE NETER MIN
On m'objectera que le sport, c'est la culture du corps. Très bien. Simplement, il faut se souvenir que la culture du corps n'est pas l'apanage de la Grèce antique avec Sparte. Les jeux olympiques dont les Grecs furent les initiateurs furent inspirés par la tradition kamite. La fête du Sèd voyait le pharaon de notre Kamita ancienne, prouver par sa vigueur physique - notamment son aptitude à la course - qu'il disposait de toute la force vitale, lui permettant de gouverner. "A la suite de cette épreuve, le pharaon était de nouveau apte à régner, sinon il devait probablement être destitué pour insuffisance de force vitale." Cheikh Anta Diop, Civilisation ou Barbarie, Présence Africaine, 1981, page 406. Les cultures du corps et de l'esprit étaient deux phénomènes que l'on cultivait de concert.
LUTTE-SENEGALAISE.jpg
                   LUTTE SENEGALAISE
Regardez donc la prestance de nos aîeux qui figurent sur les stèles, vous avez vu l'harmonie qui se dégage de ces corps rompus aux exercices tels que le Sema Tawy, le yoga pharaonique ? Aujourd'hui, au Sénégal, la lutte sénégalaise déplace des foules, dans des grands stades. Il nous faut revenir à nos valeurs civilisationnelles d'harmonie du corps et de l'esprit.
*auteur du livre "L'Harmonie Kamite", éditions Menaibuc, 2014.
Partager cet article
Repost0

commentaires